Flèches médiévales par Peavey
Bonjour bonjour,
Puisque la température nous fait dangereusement approcher du point de fusion et que nous devons ainsi rester cloîtrés façon bal des vampires, autant rattraper le temps perdu ces derniers temps sur le blog.
Pour l'animation du stand archerie (et aussi pour me faire plaisir et avoir ma petit collec' personnelle, tant qu'à faire) j'avais entrepris la fabrication de 8 flèches médiévales, qui présenteraient les différents types de pointe rencontrées au cours des siècles.
Je me suis basé sur l'article paru sur le site de la Revue Archéologique de l'Est. A priori des gens qui connaissent un petit peu leur job, et il n'y a qu'à jeter un oeil à la bibliographie pour s'en rendre compte.
A l'heure actuelle, étant moi-même à la forge ce que Mia Frye est à la physique quantique, j'ai donc confié la réalisation des pointes à Gaël Fabre qui, en plus d'être un gentil ardéchois d'une simplicité à toute épreuve, est considéré dans le milieu des médiévistes comme l'un des meilleurs - sinon le meilleur - forgeron de l'hexagone. Jetez un oeil à certaines de ses pièces sur son blog, c'est à couper le souffle...
Retour aux flèches :
- J'ai utilisé des fûts en 23/64. En taille standard, c'est le diamètre qui se rapproche le plus des véritables flèches de guerre. Un petit coup de brou de noix, et hop.
- Les encoches ont été taillées directement dans le bois, sans renfort de corne.
- L'empennage grand modèle de 7" est en plumes d'oie découpées individuellement (les plumes, pas les oies...Quoique^^)
- La ligature a été faite au fil de lin, environ 14-15 spires par flèche, scellé par un peu de colle blanche.
Et voilà le résultat :
Pour votre culture personnelle, voici une photo des pointes, et un détail de leur fonction :
1 Pointe dite "Feuille de Laurier", très répandue sur une grande partie du MA (haut MA principalement)
2 Poinçon classique à quatre pans, qui nécessitait un faible temps de fabrication. De toute manière à l'époque la flèche de guerre était un consommable à usage quasi-unique.
3 Perce-Maille. Quatre pans, très effilée. Elle était suffisante pour s'insérer entre les mailles, les faire éclater avec la force d'impact, et traverser le gambison qui était en dessous. On l'appelle aussi "Passadoux" ou "Passe-doux", tout simplement car
celui qui la recevait la sentait à peine. En général, c'est après que ça se gâtait ! ^^
4 Pointe barbelée torsadée. La pointe qui tue 3 fois... Quand on la recevait, quand on essayait de l'enlever (imaginer les lacérations internes que devaient provoquer les contorsions de la victime), et quand on l'enlevait. Avec son profil de harpon, impossible de la retirer de manière classique : l'une des solutions était d'introduire dans la plaie un fût comportant un petit piston que l'on actionnait pour pousser la pointe... de l'autre côté. Gargl.
5 Pointe dite en "Queue de Pie". Idem que la précédente, mais ses bords longs et arrondis créaient de grosses hémorragies.
6 "Coupe-Jarret". On l'utilisait sur les champs de bataille pour tirer dans les pattes des chevaux. Allo, Brigitte ?
7 "Coupe amarre". C'est du moins son nom, mais dans la réalité, on imagine assez mal comment une flèche, même lancée par un arc très puissant, pouvait couper un cordage en chanvre tressé de 7 ou 8cm de diamètre. En réalité, celle-ci aurait plutôt servi à déchirer les voiles des bateaux. Bon, on se doute bien que lancée sur une homme ou un animal, elle ne devait pas faire de bien non plus.
8 Flèche incendiaire. On bourrait la cage à feu d'étoupe, et hop. Feu nourri direction Carmélide, la Bretagne vue du ciel !
Tiens, c'est l'occasion de dissiper un peu quelques idées reçues qui ont vraiment la vie dure.
Ce que vous voyez dans les films à la Robin des Bois, Gladiator, avec des belles traînées lumineuses sur fond de bataille nocturne... C'est super joli, esthétique, tout ce que vous voulez. Mais oubliez. C'est du CI-NE-MA. C'est du travail d'artificiers (j'inclue également notre prestation de l'autre soir au spectacle à Ternand).
En réalité, lors de l'usage d'une véritable flèche incendiaire, avec le vent relatif consécutif au décochage, on a l'impression qu'elle s'éteint, mais dès qu'elle arrive sur les substances inflammables visées, les quelques résidus incandescents sont suffisants pour allumer un joli feu-de-joie-qui-m'a-réchauffé-le-corps.
Ah c'est sûr... Niveau grand spectacle, on a déjà vu mieux. Mais c'est l'efficacité qui prime !
Deuxième idée reçue, les flèches empoisonnées... Bon. C'est une pratique en vigueur dans certaines tribus (amazonie, indonésie, etc) mais il est peu probable que cet usage ait eu cours au Moyen-Âge en Occident ; en tout cas, on n'en a pas de trace.
M'est avis que les flèches n'étaient sans doute pas empoisonnées volontairement...
Ok, devant votre air hagard, je m'explique :
pour bénéficier d'une cadence de tir optimale, les archers avaient coutume de planter leurs flèches dans le sol. Etant donné les conditions sanitaires de l'époque (où personne n'avait encore eu le privilège de se bidonner devant la campagne de vaccination contre la grippe A) les pauvres victimes de tirs de flèches héritaient très probablement de tétanos, septicémies et autres infections qui laissaient à penser que... Mais en fait non. Vous êtes déçus, hein ?
A plus tard !
Peavey